Julien Devriendt

Julien Devriendt est responsable numérique des médiathèques de Villejuif.
 
© Autoportrait de l'auteur

Rencontre avec Julien Devriendt à l'occasion de la parution de l'ouvrage "Valoriser et diffuser les arts numériques en bibliothèque"

À l’occasion de la parution de l’ouvrage "Valoriser et diffuser les arts numériques en bibliothèque - Pratiques et enjeux" dans la collection La Boîte à outils des Presses de l'Enssib, nous avons rencontré Julien Devriendt, son coordinateur.

 

1/ Vous êtes spécialisé dans la médiation numérique et les jeux vidéo, engagé dans le développement des fablabs, et vous publiez un ouvrage consacré aux arts numériques et aux bibliothèques. Quel a été votre cheminement pour arpenter ce domaine qui est encore neuf pour nos institutions ?
Je le vois vraiment comme une continuité. Ce qui m’intéresse c’est la manière dont les technologies numériques nous permettent de nous exprimer, de créer. Le jeu vidéo par son interactivité permet d’explorer de nouvelles expériences mêlant récit, mécanique de jeu, graphismes, musique. Il y a toujours eu un côté expérimental dans le jeu vidéo que l’on retrouve largement à travers la production indépendante. Des outils moins chers, des outils plus accessibles ont permis une plus grande diversité de création et nous ont donné des œuvres incroyables.

Dans le même temps, on assiste à l’essor des fablabs, les outils de fabrication à commande numérique deviennent moins chers, les plans sont partagés, les machines sont mises à disposition du public. On peut y fabriquer des objets du quotidien, rencontrer des gens, développer ses compétences en participant à un projet collectif et le documenter.

Il faut toutefois veiller à ne pas perdre de vue notre spécificité en tant que lieu culturel. Valoriser et diffuser les arts numériques s’inscrit dans la continuité de nos missions d’éducation artistique et culturelle. Il permet de croiser les outils et techniques numériques et traditionnels et de montrer la diversité des modes d’expression et de création qui existent aujourd’hui.

 

2/ Pouvez-vous nous présenter l’ouvrage, et nous dire comment vous l’avez construit ?
Le point de départ a été la volonté de repenser la dimension artistique et culturelle du numérique au sein de nos établissements. Même si l’on a vu un essor des fablabs en bibliothèque, on reste malgré tout trop souvent dans une approche purement technique. Comment l’intégrer au sein de nos propositions d’éducation artistique et culturelle ? Comment permettre la découverte de l’art contemporain et explorer de nouvelles formes d’expression et de création ?

Il s’agit d’un premier ouvrage sur le sujet, il était donc important de donner la parole à des profils variés : artistes, enseignants, formateurs, associations.  Pour expliquer, raconter les arts numériques mais surtout montrer que les bibliothécaires ne sont pas seuls sur ce sujet et qu’il existe de nombreux acteurs prêts à nous accompagner. 

Il y a aussi la volonté de montrer tout ce qui a été accompli depuis près de 15 ans en la matière, depuis le label ECM (espaces culture multimédias) ; je pense au travail d’Alexandre Simonet à la bibliothèque Carré d’Art à Nîmes mais également à l’espace Gantner, antenne art contemporain et technologie de la médiathèque départementale du Territoire de Belfort, qui accueille des artistes en résidence, organise des expositions et détient une collection d’œuvres d’art numérique unique en France.

 

3/ La deuxième partie du livre est consacrée au contexte numérique de l’éducation artistique et culturelle (EAC). Plusieurs contributions traitent de l’éthique de l’accueil, de l’importance des coopérations, des expérimentations, de l’analyse critique des outils. Qu’est-ce que cela implique pour l’organisation des équipes et les compétences à acquérir ?
Le texte de Maëlle Vimont sur l’éthique de l’accueil est précieux car il permet de formaliser des savoir-faire que les animateurs des ateliers utilisent depuis longtemps presque instinctivement. Mais ce recul permet d’y réfléchir, d’en discuter en équipe et de construire une posture d’accueil partagée. Cela nécessite d’organiser des temps de test et d’élaboration de différents types d’ateliers, d’échanger entre pairs. On est vite pris dans un flux d’activité. Ménager ces temps de réflexion permet de garder le recul nécessaire sur notre activité et d’offrir les espaces de liberté nécessaires pour expérimenter, rencontrer des partenaires.

 

4/ Quel serait votre conseil pour les collègues bibliothécaires qui souhaiteraient se familiariser avec les arts numériques ? Découvrir des ressources, monter des actions, rencontrer des artistes ?
Oui tout cela à la fois. Comme tout nouveau champ à explorer, cela peut paraître impressionnant au début, difficile à appréhender. Mais les arts numériques commencent à émerger auprès du grand public, des festivals ont lieu un peu partout en France. Les organisateurs ont bien compris l’importance de la médiation et de l’accompagnement des publics. Depuis les parcours dédiés aux enfants jusqu’aux rencontres avec les artistes, il y a de quoi trouver l’inspiration.  Des associations comme Seconde nature et SIANA, présentes dans notre ouvrage, proposent des temps de formation pour les professionnels. Sans partir sur des installations de grande ampleur, on peut commencer par des actions de sensibilisation, un atelier de dessin/colorisation sur ordinateur, ou de films d’animation « à la manière de … ».

 

5/ Coordonner un ouvrage collectif de littérature professionnelle est un gros chantier, qui plus est dans une période de crise. Que retenez-vous de ce travail au long cours ?
Surtout les bons moments, la phase de préparation : on se documente, on lit beaucoup, on découvre de nouveaux projets, de nouveaux artistes… on travaille à la construction d’un sommaire qui tient la route. Puis viennent les échanges avec les auteurs-es qui amènent de nouveaux questionnements et entrainent à leur tour de nouveaux sommaires, à stabiliser. Puis enfin la découverte des textes des auteur-es. Là on commence à voir à quoi ressemblera le livre.
Tout cela permet de mettre à distance l’incertitude du quotidien en réfléchissant à ce qu’on fera après. Mais c’est aussi là que la partie la moins agréable démarre, et où le poids du confinement a commencé à se faire sentir. C’était plus difficile d’avancer, le doute s’installe... Les relectures et échanges avec Catherine Jackson ont été précieux.

 

Propos recueillis par Catherine Jackson et Catherine Muller
Le 06 avril 2021